J'ai peur de ce que je fais. Mes
photos, mes textes...Il fut un temps où j'en retirais une certaine
fierté, de tout ce que l'on pouvait me dire, des conneries sur le
talent, et aujourd'hui j'aimerais les cacher, quelque part très
profond, un endroit secret que seule je connaîtrais. La vérité
c'est que c'est de moi que j'ai peur, et des autres, ce qu'ils
pourraient y voir, comment je suis tout au fond de moi. La seule fois
où j'ai été si nue devant quelqu'un, le seul mot qui est sortit de
sa bouche c'est « fragile ». Fragile. Sur le coup je me
souviens avoir été vexée. Puis en peu de temps, juste soulagée.
De me dire qu'il n'avait pas beaucoup de jugeote. Qu'il ne « voyait »
pas. Parce que oui, ça me caractérise, mais en essence j'ai
l'impression d'être une un gros magma de fioul, on pourrait faire
une radio de moi, et à la place du cœur, de l' « âme »
il n'y aurais que cette masse noire, pas belle à voir, que j'aurais
tellement enfouie, que parfois moi-même je l'oublierais par moments.
Ces moments où je cherche à me soulager, où je me dis « je
vais mieux, je fais des efforts, je change, je gomme ce gribouillis
un peu chaque jour ». Mais je me mens, c'est clair. Les
conneries, les erreurs, tout reste là, tapis quelque part. Il y a ma
douleur, et celles que j'ai pu causer, et je cherche perpétuellement à
les comparer. Je me trouve infâme souvent, comme si je pouvais
comparer les peines. Parfois je me sens supérieurs aux gens. Ils me racontent leurs petits malheurs et je n'ai qu'une envie,
celle de dire « ce n'est rien », alors que je me sens
malgré tout triste pour eux, et j'essaye de les aider au mieux. Mais
je ne peux m'empêcher de revenir à ma petite personne, me dire que
s'ils savaient le paroxysme de peine que l'on peut ressentir, tous leurs
petits problèmes ne seraient rien. Comme s'ils n'y connaissait rien
à cette peur qui ravage, le rejet qui laisse pantois, le sentiment
d'abandon, les jours où les larmes restent coincées dans la gorge
et laissent le visage hagard. Tout ce qui me pousse à me saborder toute seule chaque jours. Cette douleur qui me revient toujours,
quoi que je fasse des années plus tard, encore brûlante. Les photos
de soi enfant que l'on regarde et où l'on a essayé de mettre tant
de distance, années après années qu'on a pas l'impression d'avoir
été cette personne. Je me vois gamine et je me dis « si je pouvais je te prendrais dans mes bras et je te
serrerais si fort que tu ne ressentirais plus rien, je t'aiderais à
t'endormir et je surveillerais ton sommeil de gosse ». Je reste cette effarante égoïste, on ne m'a rien demandé, chacun souffre à sa manière, l'échelle de Richter de la douleur elle n'existe pas,
chacun fait comme il peut, avec le seuil de tolérance qu'il a
accumulé au fil des ans, et s'ils ont moins mal que toi, si rien ne les empêche de marcher droit, alors c'est
tout ce que tu peux leur souhaiter. Et je reste sûre qu'eux, au moins, ne
le feront pas payer au reste du monde.
« Your handwriting. The way
you walk. Which china pattern you choose. It’s all giving you away.
Everything you do shows your hand. Everything is a self portrait.
Everything is a diary." — Chuck Palahniuk